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Changement climatique

dry and wet ground

Au cours d’une entrevue, il m’a déjà été demandé ce qui suit : « En repensant à vos 30 ans de carrière, avez-vous des regrets? » J’ai sérieusement réfléchi à la question et j’ai répondu que même si j’aurais aimé faire certaines choses différemment, je ne crois pas que l’on puisse vivre sa vie en regardant dans le rétroviseur, parce que tout se passe devant soi. Cependant, environ dix ans après cette entrevue, je me suis rendu compte que j’avais un regret, et il s’agit d’un énorme regret. De plus, il s’agit d’un regret que partagent bien des gens de ma génération. D’une certaine façon, il fait en sorte que j’ai honte devant mes magnifiques filles. Il s’agit du changement climatique. 

L’Alliance a récemment rencontré des partenaires de l’industrie pour discuter de leurs plans pour l’avenir et de la façon dont nous pouvons travailler ensemble pour mieux soutenir l’écosystème de l’infrastructure de recherche numérique (IRN) du Canada. Dans mon discours d’ouverture, j’ai fait part de nombreuses réflexions et considérations, et je les ai résumées en un message clé : « L’industrie fait partie de l’Alliance de recherche numérique du Canada. » Plusieurs présentations ont été faites sur la responsabilité sociale des entreprises et sur la façon dont l’industrie envisage sérieusement de réduire ses émissions de gaz à effet de serre et son empreinte carbone. De nombreux partenaires de l’industrie ont décrit de futurs produits plus écoénergétiques, tandis que d’autres ont évoqué une utilisation plus efficace de l’énergie pour les centres de données. 

Selon des prévisions récentes, la consommation d’énergie des centres de données devrait représenter 3,2 % des émissions mondiales totales de carbone d’ici 2025, et ils pourraient consommer pas moins d’un cinquième de la production mondiale d’électricité. D’ici 2040, le stockage de données numériques devrait produire 14 % des émissions mondiales, soit à peu près la même proportion que la production actuelle des États-Unis1. Trois pour cent des émissions totales de carbone dans le monde en moins de deux ans ne me semble pas beaucoup, mais pour mettre les choses en contexte, les centres de données ont la même empreinte carbone que l’industrie de l’aviation. Cela comprend bien sûr d’énormes centres de données appartenant à Google, Amazon, Microsoft et Facebook, mais aussi les centres à la disposition des chercheuses et des chercheurs. 

On me demande souvent pourquoi l’Alliance et ses partenaires régionaux de l’IRN mettent autant l’accent sur la consommation d’énergie. La réponse est simple : les centres de données sont de grands consommateurs d’énergie. Alors que les flux de travail informatiques deviennent de plus en plus complexes et dépendent d’ensembles de données de plus en plus volumineux, la quantité d’électricité nécessaire pour refroidir les systèmes croît également. À titre d’exemple, l’un de nos superordinateurs (Niagara du centre SciNet à l’Université de Toronto) engendre des dépenses d’environ 250 000 $ par mois en électricité. Un de mes bons amis, John Morton, directeur de la technologie chez SHARCNET, m’a dit : « Les superordinateurs produisent bien deux choses : la science et la chaleur ». Cependant, ce problème ne se limite évidemment pas aux centres de données de recherche. En effet, de nombreux fournisseurs d’infrastructures se sont attaqués de front à ce problème. Par exemple, DeepMind de Google a développé l’intelligence artificielle (IA) qui apprend d’elle-même à diminuer son utilisation d’énergie pour refroidir ses centres de données, réduisant ainsi sa consommation d’énergie de 35 %. Microsoft s’est engagée à obtenir un bilan de carbone négatif d’ici 2030. Amazon s’est engagée à alimenter son infrastructure mondiale en utilisant uniquement de l’énergie renouvelable. 

Certains de nos partenaires nationaux nous ont également fait part de la façon dont ils feront une meilleure utilisation de l’énergie pour leurs centres de données. Par exemple, l’Université Laval redirige la chaleur de son centre de données pour chauffer la piscine, le gymnase et d’autres bâtiments du campus, réduisant ainsi ses frais de chauffage. Calcul Québec a récemment mis sur pied la grappe écoénergétique Narval (classée 21e dans la liste de GREEN500). Compte tenu de l’empreinte carbone de certains flux de travail informatiques, comme les mégadonnées et l’IA, tous ces efforts sont essentiels pour le Plan climatique canadien. (À titre d’exemple, la formation d’un modèle d’apprentissage machine peut émettre plus de 626 000 livres de dioxyde de carbone, ou l’équivalent d’un voyageur qui fait 150 allers-retours de New York à San Francisco en avion!) Bref, la consommation énergétique et ses coûts environnementaux et financiers doivent être pris en compte dans tout plan concernant les centres de données, et ces centres de données (qu’ils soient financés directement ou indirectement par l’Alliance) sont une considération majeure dans nos plans de croissance pour les stratégies d’IRN du Canada. 

En somme, j’ai hâte de faire valoir ces idées dans le plan stratégique de l’Alliance. Je me réjouis à l’idée d’exercer notre influence de chef de file dans l’écosystème de l’IRN au Canada en instaurant des incitatifs financiers pour les technologies et les centres de données qui offrent des solutions de rechange écologiques. J’attends également avec impatience les conversations enrichissantes que nous aurons avec nos partenaires et qui me permettront de regarder mes filles et de leur dire que nous allons contribuer à lutter contre le changement climatique. 

- Nizar Ladak, Président et directeur général