Un billet de Julie Bortolotti, Gestionnaire, communications commerciales, CANARIE
Les mots « équité, diversité et inclusion » (EDI) ne sont pas vides de sens pour Jim Ghadbane, président et chef de direction de CANARIE, ni pour Nizar Ladak, président et directeur général de l’Alliance. Pour ces deux hauts dirigeants canadiens, l’expression évoque une meilleure façon de réaliser les choses et ils en ont fait une question personnelle.
Depuis un an, CANARIE et l’Alliance coopèrent étroitement dans le cadre d’une mission qui a transformé l’équité, la diversité et l’inclusion en un engagement commun. Les employés des deux organismes ont suivi une formation de base, partagé des ressources et posé des gestes concrets pour épauler leurs employeurs respectifs et les intervenants qu’ils desservent.
En effet, les deux organisations sont déterminées à instaurer une culture d’appartenance et ont pris des mesures afin d’officialiser cet objectif. Chacune a mis en place de nouveaux programmes qui faciliteront l’intégration et feront en sorte que les principes EDI sous-tendent les procédures, les communications, la méthode de recrutement et, ultimement, la philosophie de l’organisme.
Je me suis entretenue avec Jim et Nizar pour savoir ce que l’EDI représente vraiment pour eux et pour leur organisation.
1. Que signifie pour vous « équité, diversité et inclusion »?
Jim : L’EDI est sur toutes les langues de nos jours, mais ses principes sont primordiaux à la genèse d’une culture au sein de laquelle chacun aura le sentiment d’avoir sa place et d’être apprécié pour ce qu’il est vraiment. Quand nous aurons mieux compris ce que nous sommes, nous instaurerons des systèmes qui permettront à chacun d’exceller dans son domaine, sans que des obstacles se dressent sur sa route.
Nizar : Quand quelqu’un m’interroge sur l’équité, c’est cette illustration (ci-dessous) qui me vient en tête. Pour moi, l’EDI est synonyme de respect. C’est mettre en place des conditions de travail, sans les entraves systémiques habituelles. Il faut absolument comprendre ce qui peut nuire à l’entière participation de chacun.
2. Pourquoi l’EDI revêt-elle autant d’importance dans le succès de l’organisation?
Jim : Pour commencer, on manque de plus en plus de gens talentueux. En cybersécurité, pour ne mentionner qu’elle, environ trois millions d’emplois sont actuellement disponibles dans le monde. Il y a donc beaucoup de talents qu’on n’exploite pas quelque part. De nombreux domaines ont toujours été inaccessibles aux femmes, aux gens de couleur, voire aux Autochtones. Pour une entreprise, puiser dans ce bassin de talents, et pas seulement une partie, a énormément de sens.
Nizar : Je suis d’accord avec Jim et j’insisterai en paraphrasant le président Obama. C’est un peu comme avoir une équipe de soccer mais n’utiliser que la moitié des joueurs. En tant que chefs de direction, Jim et moi croyons que travailler en équipe, c’est profiter de points de vue divergents mais complémentaires. Il faut une variété d’opinions pour forger une organisation et en faire un microcosme de la société qu’elle sert. Si le Canada jouit d’un avantage concurrentiel dans le monde, notamment en programmation et dans le domaine des logiciels scientifiques, c’est précisément à cause de la multiplicité de ses perspectives. Des personnes différentes n’agiront pas de la même façon avec un logiciel, aussi adoptera-t-on celui-ci plus vite si des gens de divers milieux ont travaillé sur le projet. Comme le disait Jim, en puisant dans le bassin entier de talents, nous aboutirons à de meilleurs résultats.
3. Comment vous assurez-vous personnellement que tout le monde se sente inclus et appuyé dans l’organisation?
Nizar : L’EDI a ses origines dans le respect d’autrui et la compréhension. En ce qui me concerne, j’y contribue en donnant à l’organisation un jeu de valeurs solides pour s’orienter. Nous n’avons pas instauré ces valeurs simplement parce que c’est ce qu’on attendait de nous. Elles ont été élaborées par les équipes de l’organisation puis endossées par la haute direction et le conseil d’administration. Bref, ces valeurs ont été énoncées par ceux-là mêmes qui sont censés les mettre en pratique. Et nos employés nous ont avoué qu’ils préfèrent travailler dans un milieu où chacun sentira qu’il peut signaler, respectueusement, quand on s’écarte de ces valeurs.
Jim : Chez CANARIE, nous essayons d’abattre les barrières artificielles qui accompagnent souvent le titre d’un poste. Nous incitons les gens à prendre la parole s’il y a un problème, à ne pas craindre la hiérarchie. Une autre chose que nous avons faite, dans l’équipe de la haute direction, a été de lui conférer de l’empathie. Que ressentiriez-vous si vous étiez à la place de l’employé? Nous prônons l’inclusion par l’empathie.
4. Nommez quelques mesures que prendra l’organisation cette année pour se rapprocher de ses objectifs EDI.
Jim : Nous avons échafaudé un plan commun pour l’EDI en étroite collaboration avec l’Alliance et avons entrepris de le mettre à exécution. La première étape consiste à former le personnel afin que tout le monde en saisisse les fondements de la même manière et sache pourquoi c’est important. Nous espérons que cette formation aidera l’équipe à comprendre ce que chacun peut apporter à une culture qui passe par l’inclusion afin d’engendrer un sentiment d’appartenance.
Nizar : Nous avons nous aussi prévu une formation et du perfectionnement pour le personnel. S’y ajoutera un sondage sur l’inclusion, dont les résultats nous serviront de point de comparaison pour savoir ce que les employés pensent des conditions et de la culture en place. Nous participons également au Défi 50-30, une initiative canadienne qui vise à faire progresser la parité hommes-femmes et à accroître la diversité au sein des conseils d’administration et dans les postes de haute direction. Pour ce qui est de CANARIE, les avantages d’une étroite relation de travail entre les deux organisations sont trop nombreux pour qu’on les énumère. Les équipes de CANARIE et de l’Alliance échangent régulièrement de l’information et des conseils. Comme la responsabilité de l’infrastructure de recherche numérique canadienne incombe aux deux organismes, je pense que l’EDI est aussi une responsabilité commune.
5. Que quelqu’un pourrait-il faire pour concourir à la création d’un lieu de travail inclusif?
Nizar : La prise de conscience joue un rôle énorme sur ce plan et il faut vouloir apprendre. En entendant parler des tombes dans les pensionnats, au bulletin d’information, plus d’un Canadien a déclaré « Je ne savais pas ça. » Nous avons donc prié un Autochtone de venir nous en dire plus sur la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation et cet Ancien nous a demandé : « Maintenant que vous savez, qu’allez-vous faire? Quels gestes poserez-vous? » On ne fait pas bouger les choses avec des paroles creuses. C’est la responsabilité et le devoir de chacun.
Jim : Nous suivons un chemin similaire. Un conteur autochtone nous a incités à réfléchir sur les gestes que chacun peut poser personnellement pour faire avancer la vérité et la réconciliation. Nous réservons aussi du temps pour en apprendre davantage sur les journées culturellement importantes pour nos employés et nous les commémorons, une initiative qui a reçu un bon accueil. Nous encourageons le personnel à faire preuve de curiosité au lieu de sombrer dans le jugement. Nous tenons aussi à ce que les employés puissent formuler des commentaires de façon impartiale, sans parti-pris.
6. Quelle influence votre expérience personnelle a-t-elle eue sur l’importance que vous accordez à l’EDI au sein l’organisation?
Jim : J’ai vécu des moments qui reflètent les trois facettes de l’EDI. Le pire a été de me sentir exclus, alors que c’était moi le patron, ce qui est, avouons-le, un tantinet ironique. Peu importe ce que je disais, on n’en tenait pas compte. Entendre quelqu’un affirmer que ça ne lui est jamais arrivé après y avoir réfléchi m’étonnerait beaucoup.
Nizar : Mon expérience explique sans aucun doute l’importance que j’attache à l’EDIA (équité, diversité, inclusion et accessibilité) comme haut dirigeant. Enfant, on m’a rudoyé et, dans ma jeunesse, à Toronto, j’ai été la cible de maints quolibets racistes ainsi que de discrimination. J’ai d’ailleurs écrit sur ce que j’ai vécu et un de mes collègues m’a encouragé à diffuser mon histoire, ce que j’ai fait. Plusieurs quotidiens canadiens ont publié mon papier.
Les gens pensent souvent que la diversité ou l’inclusion n’est qu’une question de sexe ou de race, mais Jim a raison. L’injustice règne aussi dans les couloirs du pouvoir. Je fais partie de trois ou quatre personnes racisées à occuper un poste de direction dans l’appareil fédéral. Pourquoi sommes-nous si peu alors qu’il existe des centaines de dirigeants?
Jim : Avant de terminer, j’aimerais citer Louis Fox, PDG de la Corporation for Education Network Initiatives in California (CENIC). Il a déclaré : « L’intelligence est mieux répartie dans la population que les occasions de s’en servir. »
Apprenez-en plus sur la culture et les valeurs de CANARIE et de l’Alliance.
Ceci est un condensé révisé de l’entrevue.