Lorsque Carolyn Côté-Lussier affirme qu’elle est « une chercheuse très interdisciplinaire », elle n’exagère pas. Cette professeure adjointe en urbanisme à l’Institut national de la recherche scientifique de Montréal possède de l’expérience en criminologie, en psychologie sociale, en méthodes de recherche sociale et en santé publique, et toutes ces connaissances sont mises à profit dans son travail actuel.
Dans le premier de ses trois volets de recherche, Mme Côté-Lussier étudie les relations entre les groupes : elle examine les stéréotypes sur les personnes criminalisées et la manière dont ils viennent influencer l’opinion de la société sur la criminalité et les gens ayant perpétré un crime, et comment cette opinion infléchit les orientations politiques en matière de justice. Elle se sert parfois de sondages, mais également de méthodes psychophysiologiques, pour mesurer les émotions.
« Je mesure Ies micromouvements du visage des gens lorsqu’ils regardent des photos de personnes présumées criminelles », explique Mme Coté-Lussier. « J’essaie de saisir ce qu’ils ressentent et de comprendre comment ces émotions influencent leurs attitudes par rapport au crime. »
Son deuxième volet de recherche a vu le jour après son stage postdoctoral en médecine sociale et préventive. En collaboration avec des médecins, des épidémiologistes et des kinésiologues, elle a élaboré un modèle basé sur l’épidémiologie sociale pour examiner la façon dont les gens perçoivent leur environnement au regard de la criminalité et de la sécurité. Elle s’est ensuite intéressée aux effets de ces perceptions sur la santé, y compris sur la forme physique et le bien-être mental. Sa recherche en santé publique tire parti d’ensembles de données secondaires provenant notamment d’études de cohortes de grande envergure, de Statistique Canada et de systèmes d’information géographique.
« L’examen d’ensembles de données plus vastes et de plus grande portée nous aide à mieux comprendre les milieux environnants », affirme-t-elle.
Son troisième volet de recherche consiste à mettre au point des mesures de recherche sociale de meilleure qualité et plus accessibles. Elle dirige actuellement un projet appelé STOPMTL.ca, qui utilise des données géographiques fournies sur une base volontaire.
« Je demande aux gens d’indiquer sur une carte l’endroit où ils ont été interpellés par la police et les interroge au sujet de l’expérience vécue », dit-elle. « Les données de ce genre sont contrôlées par certains établissements, donc je cherche de nouvelles façons de les mesurer ».
Mme Côté-Lussier souhaite également contribuer au libre accès aux données.
« Les gens pourront voir comment les arrestations policières sont réparties géographiquement », dit-elle. « Le programme sera consigné dans un dépôt ouvert, ce qui permettra à n’importe qui de faire le même genre de suivi dans sa ville. Il s’agit d’une approche de sciences participatives ouverte. »
Le désir de Mme Côté-Lussier de donner accès aux données et aux méthodes de recherche et de réduire les iniquités sociales fait partie de l’expertise qu’elle apporte au sein du Conseil des chercheurs.
« La recherche scientifique de calibre mondial exige de l’équité, de la diversité et de l’inclusion en science », soutient-elle. « Nous devons nous employer à réduire les préjugés intrinsèques, notamment en ce qui concerne l’intelligence artificielle et l’apprentissage automatique, des domaines largement dominés par des hommes. »